Togo elections internet access

#KeepItOn : Le gouvernement du Sénégal doit garantir un accès Internet ouvert et sécurisé tout au long de l’élection présidentielle de 2024

Read in English.

A l’attention de Son Excellence, Macky SALL, Président de la République de Sénégal.

CC : Moussa Bocar THIAM, Ministre de la Communication, des Télécommunications et de l’Economie Numérique, M. Sidiki KABA, Ministre de l’Intérieur, Abdou Karim SALL, Directeur général ARTP Sénégal, M. Babacar DIAGNE, Président du Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA) Mme Fatou Sow KANE, Directrice Générale d’Expresso Senegal, M. Sékou DRAME, Directeur Général de la SONATEL

Les nations à travers l’Afrique, et le monde, doivent assurer aux personnes un accès ouvert, sécurisé et gratuit à l’Internet quand ils en ont le plus besoin— pendant les événements importants nationaux. Pour cette élection, nous exhortons le gouvernement du Sénégal à le maintenir ouvert.

Nous, soussignés, les organisations et membres de la coalition #KeepItOn — un réseau mondial de plus 300 organisations réparties dans 105 des pays œuvrant à mettre fin aux coupures de l’Internet — faisons appel à vous, Président Macky SALL, à un engagement publique à assurer que la population de République du SÉNÉGAL accédera sans entrave à l’Internet, aux médias sociaux, aux plateformes, et tout autres canaux de communication partout lors de  l’élection présidentielle à venir le 24 mars, 2024.

Puisque la population du Sénégal se prépare à voter, il est essentiel que votre gouvernement garantisse le respect des droits humains, en permettant un accès libre à l’information et à la liberté d’expression — les deux, hors ligne et en ligne. Cette volonté contribuera à asseoir un processus électoral clair et équitable.

Internet et les plateformes de médias sociaux jouent un rôle essentiel dans le renforcement de la gouvernance participative, la promotion de l’inclusion et de la transparence, et la jouissance des droits de l’homme fondamentaux dans une société démocratique – tous des principes consacrés par la Constitution de la République du Sénégal. Ces plateformes permettent un discours public sur les processus électoraux et les candidats politiques, et permettent aux électeurs de tenir les gouvernements responsables de leurs actions. L’accès à l’internet et aux plateformes numériques facilite également le reportage, le suivi et la couverture des élections par les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme et les observateurs électoraux. Il est plus vital que jamais de protéger des canaux de communication clairs et ouverts qui aident à maintenir la transparence et l’intégrité.

Historique des coupures de l’internet au SÉNÉGAL

La période électorale en cours au Sénégal a connu un début difficile et, au cours du mois dernier, les actions du gouvernement ont mis en péril les droits des citoyens à la liberté de réunion, d’expression et d’accès à l’information. 

Le 6 mars, le président Macky Sall a annoncé que l’élection présidentielle aurait lieu le 24 mars 2024. Cela faisait suite à une décision du conseil constitutionnel du Sénégal annulant le report des élections, initialement prévues pour le 25 février, au mois de décembre de cette année.

La décision initiale du gouvernement de retarder les élections de plus de huit mois a déclenché des manifestations dans la capitale Dakar, qui ont été sévèrement réprimées par les forces de sécurité. Les autorités ont également bloqué l’accès aux services internet mobiles le 5 février; une décision justifiée par le Ministère des Communications, des Télécommunications et de l’Économie Numérique comme étant nécessaire pour freiner la propagation des « messages haineux et subversifs » sur les réseaux sociaux. L’accès à l’Internet mobile a été rétabli le 7 février, mais les autorités ont de nouveau coupé internet le 13 février. L’accès à Internet a été rétabli plus tard dans la journée.

Ces actions récentes s’ajoutent aux antécédents de censure des autorités sénégalaises. Le 1er juin 2023, des manifestations ont éclaté au Sénégal à la suite de la condamnation de l’opposant, Ousmane Sonko à deux ans de prison. La Ministère de la Communication, des Télécommunications et de l’Économie Numérique a ordonné aux fournisseurs de services Internet (FAI) du Sénégal de bloquer les plateformes de réseaux sociaux et a perturbé le trafic internet. De nouveau, le 30 juillet 2023, alors que de nouvelles manifestations éclataient en lien avec la l’arrestation du même opposant, les autorités ont coupé l’accès à la connexion Internet mobile, puis ont bloqué TikTok. Dans les deux cas, le gouvernement a tenté de justifier les coupures comme étant « nécessaires pour empêcher » la propagation de messages haineux et subversifs en ligne. Cependant, la surveillance de la coalition #KeepItOn montre le contraire : les coupures d’internet aggravent les tensions, violent les droits des personnes et amplifient la propagation de la désinformation.

Les coupures d’Internet portent atteinte aux droits de l’homme, exacerbent les crises et empêchent la libre circulation de l’information.

Les recherches montrent que les coupures d’Internet et la violence vont de pair. La coupure de l’internet en période de conflit, de protestation ou d’urgence sanitaire limite la disponibilité d’informations vitales, opportunes et susceptibles de sauver des vies, ainsi que l’accès aux services d’urgence. En perturbant la circulation de l’information, les fermetures peuvent exacerber les tensions existantes, inciter à la violence et aux violations des droits de l’homme perpétrées par des acteurs étatiques et non étatiques, ou les dissimuler, et favoriser la diffusion de fausses informations. 

Les coupures rendent également extrêmement difficile pour les journalistes de travailler sur le terrain, laissant les gens à l’intérieur et à l’extérieur du Sénégal sans accès à des sources d’information fiables et crédibles. Les coupures d’internet peuvent également entraver le travail vital de surveillance de l’élection entrepris par la Commission Électorale Nationale Autonome (CENA), les groupes nationaux et internationaux d’observateurs électoraux, les partis politiques, les médias et la société civile.

Enfin, les coupures d’Internet ont également des conséquences dévastatrices sur les moyens de subsistance des personnes et sur des économies entières, coûtant des milliards de dollars aux pays, aux entreprises et aux organisations publiques qui dépendent de l’économie numérique.

Les coupures d’Internet contreviennent aux lois internationales 

Le Sénégal est signataire de cadres régionaux et internationaux tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui prévoient la protection et la promotion des droits à la liberté d’opinion et d’expression, à la liberté de réunion et à l’accès à l’information – tant hors ligne qu’en ligne. En outre, le Sénégal est partie prenante de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, qui appelle à la promotion de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme pendant les élections. En outre, la Déclaration de principes sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique 2019 appelle les États à ne pas s’engager ou tolérer toute perturbation de l’accès à l’internet et à d’autres technologies numériques pour des segments du public ou une population entière.

La résolution de 2016 de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) reconnaît “l’importance de l’internet dans la promotion des droits de l’homme et des peuples en Afrique”, exprimant sa préoccupation quant à la “pratique émergente des États parties qui interrompent ou limitent l’accès aux services de télécommunications tels que l’internet, les médias sociaux et les services de messagerie”. En outre, le secrétaire général des Nations unies et d’autres experts ont affirmé que “les fermetures générales d’Internet et le blocage et le filtrage génériques des services sont considérés par les mécanismes des droits de l’homme des Nations unies comme une violation du droit international relatif aux droits de l’homme”.

Les entreprises de télécommunications doivent respecter les droits de l’homme

En vertu des principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme et des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, les entreprises de télécommunications ont la responsabilité de respecter les droits de l’homme, de prévenir ou d’atténuer les préjudices potentiels et de remédier aux préjudices qu’elles causent ou auxquels elles contribuent. Les fournisseurs de services de télécommunications et d’internet opérant au Sénégal – y compris Orange, Free, Expresso et d’autres – ont la responsabilité de fournir un accès de qualité, ouvert et sécurisé à l’internet et aux outils de communication numérique.

Les coupures d’Internet – que ce soit au Sénégal ou ailleurs – mettent en péril les droits de l’homme et ne doivent jamais devenir une norme. Nous encourageons les entreprises du Sénégal à intégrer les principes des Nations unies et les lignes directrices de l’OCDE lorsqu’elles répondent à des demandes de censure et de perturbation du réseau sur tout marché où elles opèrent.

Recommandations

Nous vous appelons, Président Sall, à:

  • Assurer publiquement au peuple du SENEGAL que l’Internet, y compris les médias sociaux et autres plateformes de communication numérique, restera ouvert, accessible, inclusif et sécurisé avant, pendant et après l’élection ;
  • S’abstenir d’ordonner la perturbation des services de télécommunications, des plateformes de médias sociaux ou d’autres plateformes de communication numérique tout au long des élections ;
  • Veiller à ce que les fournisseurs de services de télécommunications et d’Internet (FAI) mettent en œuvre toutes les mesures nécessaires pour fournir un accès à Internet de haute qualité, sécurisé, sans restriction et ininterrompu pendant la période électorale et par la suite, conformément à leurs conditions de qualité de service et de licence ; et
  • Veiller à ce que les opérateurs de télécommunications et les fournisseurs d’accès Internet informent la population du Sénégal de toute perturbation potentielle et prennent toutes les mesures raisonnables pour remédier à toute perturbation identifiée susceptible d’avoir un impact sur la qualité de leur service.

Nous vous serions reconnaissants de nous faire savoir comment la coalition #KeepItOn peut vous soutenir dans la défense d’un internet libre, ouvert, sécurisé, inclusif et accessible à tous au SENEGAL.

Cordialement, 

Signatories:

  • Access Now
  • African Freedom of Expression Exchange (AFEX)
  • Africa Freedom of Information Centre (AFIC)
  • Africa Media and Information Technology Initiative (AfriMITI)
  • Africa Open Data and Internet Research Foundation (AODIRF)
  • AfricTivistes
  • ARTICLE 19 Senegal and West Africa
  • Avocats Sans Frontières France (ASF France)
  • Bloggers Association of Kenya (BAKE)
  • Bloggers of Zambia- BloggersZM
  • Campaign for Human Rights and Development International (CHRDI)
  • Center for Advancement of Rights and Democracy (CARD Ethiopia)
  • Collaboration on International ICT Policy for East and Southern Africa (CIPESA)
  • Common Cause Zambia
  • Committee to Protect Journalists (CPJ)
  • Computech Institute
  • Digital Grassroots (DIGRA)
  • Digital Rights Kashmir
  • Digital Rights Lab
  • Freedom of Expression Hub
  • Forumvert
  • Gambia Press Union (GPU)
  • Global Digital Inclusion Partnership (GDIP)
  • Human Rights Journalists Network Nigeria
  • International Press Centre (IPC)
  • International Press Institute
  • Jonction, Senegal
  • Kenya ICT Action Network (KICTANet)
  • Life campaign to abolish the death sentence in Kurdistan
  • Media Foundation for West Africa (MFWA)
  • Miaan Group
  • Office of Civil Freedoms
  • ONG Women Be Free
  • OONI (Open Observatory of Network Interference)
  • OpenNet Africa
  • Organization of the Justice Campaign
  • Paradigm Initiative (PIN)
  • PEN America
  • Single Mothers Association of Kenya (SMAK)
  • Small Media Foundation
  • SMEX
  • Southeast Asia Freedom of Expression Network (SAFEnet)
  • Reporters sans frontières (RSF)
  • Robert F Kennedy Human Rights
  • Rudi International 
  • Ubunteam
  • Voices for Interactive Choice and Empowerment (VOICE)
  • YODET 
  • Youths and Environmental Advocacy Centre (YEAC-Nigeria)
  • Zaina Foundation