Nouveau désordre mondial : attaques numériques contre la liberté de rassemblement

La marée montante des manifestations de 2020 ravive les discussions sur les réunions pacifiques et associations dans le monde. Avec la mise en place des mesures de distanciation sociale, la pandémie COVID-19 a exacerbé les défis de la jouissance de ces droits à l’ère numérique. Access Now est fière de lancer notre rapport pionner relatif aux impacts de la technologie sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association dans le monde, intitulé Défendre le rassemblement pacifique et l’association à l’ère numérique : démantèlements, blocages et surveillance. Vous pouvez consulter l’aperçu de notre rapport pour un résumé.

Laura O’Brien, chargée du plaidoyer auprès de  l’ONU chez Access Now a déclaré qu’« il s’agit d’un contexte mondial sans précédent marqué par  l’accroissement des blocages d’internet à travers le monde, la prévalence de la surveillance illégale, l’augmentation des  privatisations et l’impact de la pandémie COVID-19,  autant d’éléments qui nous ont poussé à examiner l’état des droits à la liberté de réunion pacifique et d’association à partir d’une perspective «  droits numériques ». Elle a ajouté que « le développement florissant de la reconnaissance faciale et d’autres programmes de traçage biométrique, combinés à la privatisation des plateformes et l’émergence de la menace de blocages d’internet, nous privent de notre droit de manifester et de nous rassembler librement pour défendre nos droits ». 

Alors que la COVID-19 continue à se propager, les mouvements sociaux, de Hong Kong au Soudan, utilisent de plus en plus internet pour exercer leurs droits d’organisation, de donner plus d’échos à leurs opinions, d’appeler les autres à passer à l’action, d’exprimer leur solidarité et d’accéder à des informations vitales. Ils ont développé des approches créatives afin de se battre pour le respect de leurs droits dans les espaces numériques, dans un contexte contraint par le respect des mesures de distanciation physique. Cependant, les gouvernements tirent parti d’internet et des technologies numériques pour étouffer la dissidence et dépouiller les gens de leur capacité d’action collective, en ligne et hors ligne, en étant même en infraction avec leurs propres lois nationales et les obligations internationales en matière de droits humains. En effet, durant 2019, les manifestations étaient la cause la plus fréquemment observée pour les blocages d’internet, un acte flagrant pour réprimer le droit de se rassembler et museler les voix dissidentes. 

En mettant en exergue des études de cas du monde entier, le récent rapport d’Access Now élabore des recommandations en faveur de nombreuses parties prenantes afin de renforcer leur engagement à protéger les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association et examine trois problématiques actuelles : 

  1. Accès, connectivité et blocages d’internet : l’accès à une connexion internet ouverte, sécurisée, abordable et stable est fondamental pour la jouissance de divers droits humains. Pourtant, les gouvernements du monde entier freinent l’exercice de ces droits, y compris la liberté de réunion pacifique et d’association en imposant des blocages d’internet, comme celle décidée cette année en Éthiopie par le gouvernement en violation flagrante avec les normes internationales relatives aux droits de l’Homme. 
  2. Surveillance illégale et droit à la vie privée : la vie privée et l’anonymat confèrent aux activistes et aux manifestants une certaine assurance qu’ils ne seront pas identifiés et visés par des actes de représailles pour avoir participé à des manifestations. Cependant, l’utilisation de la technologie de surveillance visant à contrôler les individus et leurs activités en ligne et hors ligne, notamment lors des manifestations à Hong Kong et en Inde en 2019 a provoqué la peur de l’identification et de la persécution, créant un effet terrifiant sur la liberté d’expression et de réunion. 
  3. L’influence du secteur privé dans l’espace civique en ligne : les entreprises technologiques détiennent un pouvoir extrême sur les espaces où les individus exercent leurs droits, y compris le droit de manifester. Compte tenu de ce pouvoir, les États font souvent pression sur les entreprises technologiques pour qu’elles interrompent l’accès à internet, suppriment certains contenus ou fournissent des données sur les utilisateurs, dans le cadre de stratégies visant à entraver le droit des individus à la liberté de réunion pacifique et d’expression. L’élaboration transparente de rapports est essentielle pour suivre les activités des entreprises technologiques et exiger plus de redevabilité. 

Peter Micek, avocat général et directeur des politiques auprès de l’ONU chez Access Now a déclaré que « les rassemblements changent de manière irréversible en raison des nouvelles technologies et en particulier dans ce contexte de pandémie COVID-19. Il est fondamental que les gouvernements, le secteur privé et les institutions internationales mettent, conjointement, en place des initiatives pour empêcher, de manière efficace, l’utilisation illégale de la technologie en tant que barrière à l’exercice de notre liberté ». Il a ajouté que « les manifestants continuent d’innover et d’échapper à cette répression digitale, mais le fardeau doit incomber aux gouvernements pour s’abstenir de nous mettre en ligne de mire de leurs armes cybernétiques et au secteur privé de cesser leurs ventes aux agences abusives ». 

Pleinement résolue à donner la priorité à ce sujet au-delà de la COVID-19, Access Now a élaboré ce rapport pour exploiter les données collectées à partir de nos campagnes et de notre plateforme d’assistance pour la sécurité numérique, s’engager davantage et apporter un appui aux parties prenantes principales qui traitent cette problématique, y compris les experts des droits de l’Homme et leurs mandats. Le 15 juillet, Peter Micek a rejoint le Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association Clément Voule, et les parties prenantes clés, lors d’un webinaire intitulé « COVID-19, mouvements sociaux et protestations pacifiques ». Dans ce cadre, la contribution de Peter Micek sur les préjudices causés par les blocages d’internet sur l’exercice de la liberté de réunion pacifique et la nécessité de prendre des mesures, visant à réduire la crainte de représailles et de menaces auprès des manifestants, a été reconnue et soutenue.  

Le rapport Défendre le rassemblement pacifique et l’association à l’ère numérique : démantèlements, blocages et surveillance attire l’attention sur les principales menaces actuelles pesant sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association et a pour objectif d’initier une réflexion et des discussions plus approfondies sur ce sujet. Le rapport d’Access Now peut être utilisé comme un élément de base pour faire progresser les meilleures pratiques en matière de protection des droits des manifestants à travers le monde. 

Télécharger le rapport complet (EN) et l’aperçu du rapport (FR)