Cameroon

#KeepItOn : Les autorités togolaises doivent garantir les droits humains, en ligne comme hors ligne, pendant les manifestations

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Nous, organisations signataires et membres de la coalition mondiale #KeepItOn — un réseau de plus de 345 organisations issues de 105 pays, engagé contre les coupures d’Internet — condamnons fermement la répression violente et les violations graves des libertés fondamentales perpétrées récemment par les autorités togolaises dans le contexte des manifestations en cours.

Les protestations au Togo ont pris de l’ampleur le 26 juin 2025, lorsque de larges segments de la population ont appelé à la démission du président Faure Gnassingbé, à la suite de réformes constitutionnelles controversées. Celles-ci ont supprimé les élections présidentielles, entériné deux décennies de pouvoir, et ouvert la voie à un maintien indéfini à la tête de l’État. La réponse des forces de sécurité a été d’une violence alarmante : au moins sept morts, des dizaines de blessés, et plus de soixante personnes arrêtées de manière arbitraire, principalement lors de manifestations dirigées par la jeunesse à travers le pays.

En plus des violences physiques, les autorités ont imposé des restrictions numériques ciblées, coupant l’accès à des plateformes essentielles de communication et à plusieurs sites d’information. Selon les données recueillies par la plateforme Open Observatory of Network Interference (OONI), WhatsApp, Facebook, Signal et Telegram ont été bloqués sur au moins trois réseaux mobiles dès le 26 juin, jour du déclenchement des manifestations. À l’heure actuelle, ces services restent inaccessibles pour de nombreux utilisateurs, sauf via des réseaux privés virtuels (VPN).

Ce n’est malheureusement pas un précédent. Les autorités togolaises ont déjà eu recours à des coupures similaires, notamment en 2020 lors de l’élection présidentielle, et en 2017 en réponse à une vague de protestations. Cette dernière avait conduit à une plainte déposée par la société civile devant la Cour de justice de la CEDEAO, qui a jugé, en juin 2020, que la coupure d’Internet de 2017 était illégale et constituait une violation du droit à la liberté d’expression. Le recours répété à ces pratiques, notamment pour museler la contestation citoyenne, contrevient donc à une décision juridique contraignante rendue par la plus haute juridiction de la sous-région.

Comme partout ailleurs, Internet, les réseaux sociaux et les applications de messagerie jouent un rôle fondamental au Togo : ils facilitent la communication, la circulation des informations, l’activité économique et l’expression citoyenne. Les actes délibérés visant à bloquer ou à restreindre l’accès à ces outils constituent des violations du droit international des droits humains. Restreindre l’accès à ces plateformes revient à entraver l’exercice de droits fondamentaux, tels que la liberté d’expression, le droit à l’information et la liberté de réunion.

Les coupures d’Internet sont des mesures extrêmes, contraires aux articles 25 et 30 de la nouvelle Constitution togolaise, qui garantissent respectivement la liberté d’expression et le droit de manifester pacifiquement. Le Togo est également lié par des instruments régionaux et internationaux comme la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), et la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH), qui reconnaissent et protègent ces droits. Ces engagements sont inscrits dans le préambule même de la Constitution togolaise, qui affirme l’attachement du pays à la promotion des droits humains et au respect du droit international.

En 2019, la Déclaration de principes sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique, adoptée par la CADHP, a clairement appelé les États à s’abstenir de toute coupure ou perturbation de l’accès à Internet et aux technologies numériques, que ce soit pour une partie de la population ou pour l’ensemble du pays.

Nous appelons les autorités togolaises à respecter leurs obligations nationales et internationales en matière de droits humains, à rétablir sans délai un accès total à Internet et à s’engager publiquement à ne plus recourir à de telles mesures de censure. Nous appelons également la communauté internationale à se mobiliser aux côtés de la coalition #KeepItOn pour dénoncer l’escalade des réponses autoritaires à l’expression pacifique des citoyens — qu’il s’agisse de coupures de réseau, d’usage excessif de la force, ou de détentions arbitraires.

Signatories

  • Access Now
  • Accountability Lab Nigeria
  • Afia-Amani Grands-Lacs
  • African Freedom of Expression Exchange (AFEX)
  • African Internet Rights Alliance
  • Africa Open Data and Internet Research Foundation (AODIRF)
  • AfricTivistes
  • Afroleadership Cameroon
  • Avocats Sans Frontières France 
  • Bloggers Association of Kenya (BAKE)
  • Base Iota Foundation 
  • Bloggers of Zambia
  • Brain Builders Youth Development Initiative(BBYDI)
  • Committee to Protect Journalists (CPJ)
  • Common Cause Zambia 
  • Collaboration on International ICT Policy for East and Southern Africa (CIPESA)
  • Digital Action
  • Digital Rights Coalition Malawi
  • Digital Rights Watch
  • Digital Woman Uganda
  • Forumvert 
  • Human Rights Journalists Network Nigeria
  • Institute for Human Rights and Development in Africa (IHRDA)
  • Internet Society Togo Chapter
  • International Press Centre 
  • Jonction, Senegal
  • KICTANet
  • KIGALI Attorneys and Legal Consultants LLP 
  • Kijiji Yeetu
  • Knowledge House (KHA)
  • Life campaign to abolish the death sentence in Kurdistan
  • Media Foundation for West Africa (MFWA)
  • Media Rights Agenda (MRA)
  • Miaan Group
  • OONI (Open Observatory of Network Interference)
  • OpenStreetMap Togo (OSM Togo)
  • Organization of the Justice Campaign
  • Paradigm Initiative (PIN)
  • PEN America
  • PEN-Togo
  • Reclaiming Spaces Initiative
  • TechHerNG
  • Tech & Media Convergency (TMC)
  • The Internet Governance Tanzania Working Group (IGTWG)
  • Ubunteam
  • Webfala Digital Skills for all Initiative
  • West African Digital Rights Defenders Coalition
  • Women Empower and Mentor All (WEmpower)
  • YucaByte
  • YODET
  • Zaina Foundation